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Northvolt Évasion Fiscale?

par Jeromec, jeudi 02 novembre 2023, 16:05 (il y a 743 jours) @ Jeromec

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Les profits de Northvolt pourraient échapper au fisc québécois et canadien
Une nouvelle étude expose de nombreuses entreprises canadiennes pratiquant de l’évitement fiscal à travers le Luxembourg.
PAR FRANCIS HÉBERT-BERNIER ● NOUVELLES ● 2 NOVEMBRE 2023

Chaque année, des milliards $ de profits réalisés au Canada et au Québec sont transférés vers le Luxembourg, dévoile une enquête menée par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Pourtant, les méthodes utilisées par ces entreprises sont bien connues des autorités depuis plus de trente ans.

Au cours des dix dernières années, 59 entreprises canadiennes, dont 33 ayant leur siège social au Québec, ont transféré 119,8 milliards $ de leurs profits vers le Luxembourg, selon l’enquête de l’IRIS. Pourtant, la quasi-totalité de ces entreprises n’effectue aucune activité économique réelle dans ce petit pays de l’Union européenne à la fiscalité avantageuse.

« C’est fascinant de voir des entreprises déclarer des milliards de dollars de profits au Luxembourg, alors qu’elles n’y emploient qu’un salarié à temps partiel. Sûrement les employés les plus productifs et les plus sous-payés au monde au regard de ce qu’ils rapportent », remarque Colin Pratte, co-auteur de l’étude.

Par exemple, la filiale Couche-Tard Luxembourg SARL, qui appartient à la chaîne de dépanneurs québécoise, a déclaré 550 millions $ de profit net en 2022, alors qu’elle n’emploie qu’une personne qui a réalisé 104 heures de travail cette année-là. « C’est 5,3 millions $ de profit généré pour chaque heure de travail réalisé », calcule Colin Pratte.


Des entreprises subventionnées par les fonds publics
Une très grande majorité des entreprises qui utilisent le Luxembourg pour éviter de payer de l’impôt ont pourtant reçu plusieurs subventions et contributions de Québec et d’Ottawa, en plus de bénéficier des infrastructures publiques du pays, rappelle le chercheur.

Par exemple, selon l’étude, Bombardier a déclaré 947,5 millions $ en profit au Luxembourg entre 2008 et 2019, années durant lesquelles l’entreprise a reçu des milliards $ en subventions publiques.

D’ailleurs, Northvolt, qui doit recevoir 7,3 milliards $ en fonds publics pour construire une usine de batteries en Montérégie, utilise elle aussi le Luxembourg pour réduire son fardeau fiscal. C’est également le cas de Volkswagen, qui doit recevoir 16,3 milliards $ des gouvernements de l’Ontario et du Canada, pour une autre usine de batteries qui devrait voir le jour en 2027.

« Nous ne connaissons pas encore la structure des sociétés qui seront mises en place pour ces deux usines spécifiquement, mais on finance publiquement des entreprises qui, historiquement, s’assurent de contribuer aussi peu qu’elles le peuvent au trésor public », dénonce Colin Pratte.

Un stratagème connu depuis plus de trente ans
Si ces entreprises transfèrent des fonds vers le Luxembourg, c’est d’abord parce que les taux d’imposition y sont pratiquement nuls. Plus encore, le Canada n’impose pas les profits qui y sont réalisés avant d’être rapatriés au pays, en vertu d’une entente bilatérale entre les deux pays.

Pour y envoyer leurs profits, les entreprises canadiennes emploient entre autres le stratagème du « prêt intragroupe ».

Une société mère ouvre une filiale qui n’a souvent aucune activité économique réelle dans un paradis fiscal comme le Luxembourg et lui octroie un prêt sans intérêts pour la financer. La filiale prête ensuite une somme d’argent avec de forts intérêts à une division canadienne de la société. Ces intérêts payés par la division canadienne à la filière luxembourgeoise seront alors déductibles d’impôt au Canada et ne seront pratiquement pas imposés là-bas, puisque c’est un paradis fiscal.

« C’est fascinant de voir des entreprises déclarer des milliards de dollars de profits au Luxembourg, alors qu’elles n’y emploient qu’un salarié à temps partiel. Sûrement les employés les plus productifs et les plus sous-payés au monde au regard de ce qu’ils rapportent. »

Colin Pratte
Finalement, la filiale luxembourgeoise versera à la société canadienne des dividendes équivalents aux intérêts. Ces dividendes ne seront pas imposés ici parce qu’ils l’ont déjà été à un taux dérisoire dans le pays européen, explique Colin Pratte.

« Si on connaît aussi bien cette échappatoire fiscal, c’est qu’elle a été identifiée par le bureau du Vérificateur général du Canada en 1992. Ça fait donc plus de trente ans que [cette échappatoire] est reconduite année après année, ce qui rend possible le transfert de sommes colossales vers le Luxembourg », rapporte le chercheur.

Une réforme qui tarde
Le gouvernement canadien a bel et bien tenté de modifier la loi pour mettre fin aux prêts intergroupes en 2007, mais le projet de loi a finalement été abandonné, rapporte M. Pratte.

De plus, l’entente bilatérale avec le Luxembourg a été modifiée et une nouvelle mouture qui devait réduire l’évitement fiscal est entrée en vigueur en 2020. Toutefois, tout indique que les modifications n’ont pas changé grand-chose, souligne Colin Pratte. En effet, les filiales luxembourgeoises de sociétés canadiennes ont déclaré près de 20 milliards $ de profits en 2021, soit le plus haut total annuel observé jusqu’à maintenant selon l’étude.


Le Canada dispose tout de même depuis 1997 de la Règle générale anti-évitement (RGAE), qui permet à l’Agence du Revenu du Canada (ARC) de réclamer des sommes impayées lorsqu’elle parvient à prouver qu’une compagnie détourne les règles à des fins d’évitement fiscale, rappelle le chercheur.

Toutefois, il existe de nombreux enjeux dans l’application de la règle, reconnaît le ministère des Finances du Canada. Entre autres, elle n’a que très peu d’effets dissuasifs, car les entreprises fautives qui se font prendre ont seulement à rembourser les sommes qu’elles auraient dû normalement payer. Elles ne risquent donc pas grand-chose à s’essayer, sinon des impacts sur leur réputation, constate le rapport du ministère des Finances.

Le ministère des Finances a mené des consultations publiques pour moderniser le RGAE, qui se sont conclues en 2022, mais n’a fait aucune annonce sur le sujet par la suite. Contacté par Pivot, le ministère n’avait toujours pas fait suite au moment d’écrire ces lignes.

« On finance publiquement des entreprises qui, historiquement, s’assurent de contribuer aussi peu qu’elles le peuvent au trésor public. »

Colin Pratte
« On a souvent l’impression que les paradis fiscaux, c’est une bataille entre une armée de fiscalistes des multinationales et un État victime de leurs grandes manigances. Or, quand on regarde l’inaction des gouvernements canadiens qui se sont succédés, on réalise que bien souvent, ils appartenaient au même camp que ces entreprises et leurs fiscalistes », conclut Colin Pratte.

Auteur·e

FRANCIS HÉBERT-BERNIER
Diplômé en histoire et en journalisme et passionné par l’économie et les sciences, Francis Hébert-Bernier est devenu journaliste pour mieux comprendre le monde qui nous entoure. Sa spécialité : déconstruire le discours dominant en tirant sur le fil qui dépasse.

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