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Texte de Paul Fils-de-Thor (Traduction de l'islandais)

par Spyrale, mardi 17 mars 2020, 17:46 (il y a 1500 jours) @ gilles surprenant

Article de Páll Þórðarson : chimiste et professeur à l'université de Sydney en Australie, chercheur dans le domaine de la chimie bio-mimétique en particulier en nanomédecine et en chimie supramoléculaire et biophysique.
(Surnom : Palli Thordarson se traduirait en français par Paul Fils-de-Thor)
Publié le 6 mars 2020 à 05h00 sur facebook.
Traduit de l'islandais par Spyrale

Pourquoi le savon fonctionne si bien pour contrer les virus coronaux (et la plupart des autres virus)?

Parce que ce virus est une nanoparticule auto-assemblée dont le plus faible maillon est sa membrane lipidique double (enveloppe grasse). Voir le schéma ci-joint du manuel de biologie. Le savon dissout la membrane lipidique et le virus se désagrège et s'effondre comme un château de cartes puis devient inactif. Il « meurt », si l'on s'imagine qu'un virus est vivant. Alors, j'utiliserai plutôt les termes « actif » et « inactif » comme lorsque des toxines sont impliquées (ce n'est pas vraiment similaire en fin de compte !).

Les désinfectants alcoolisés, les liquides ou les gels à mains qui contiennent de l'alcool, donnent des résultats similaires mais ne sont pas aussi efficaces que du savon régulier pour rendre les virus inactifs. Les savons antibactériens et les gels fonctionnent seulement à cause du « savon » qu'ils contiennent. Les substances bactéricides qu'ils contiennent n'affectent probablement pas les virus. Par conséquent, en réalité ce sont seulement des versions très dispendieuses de savon.

Maintenant voici une longue dissertation pour nous en libérer en toute sécurité. Puis si vous voulez en apprendre un peu plus sur les virus, la chimie, la nanotechnologie et le lavage des mains au savon, voici un petit article que j'ai concocté :

Mon sujet principal en chimie ces vingt dernières années a été les matériaux auto-composés (la chimie supramoléculaire) et la nanotechnologie. J'ai toujours été fasciné par les virus qui sont le plus bel exemple que nous ayons dans la nature où ces deux domaines en chimie sont réunis, car les virus sont auto-assemblés à partir de trois matériaux de construction principaux : l'ARN (acide ribonucléique), un proche parent de l'ADN (acide désoxyribonucléique) et des protéines qui protègent le matériel génétique et aide les virus à entrer dans les cellules en les « prenant de force » pour fabriquer de nouveaux virus jusqu'à ce qu'enfin (dans la plupart des cas) ça atteigne les lipides qui forment la membrane cellulaire. Les virus sont minuscules. Par exemple; le Coronavirus (COVID-19) a un diamètre un peu plus de 100 nanomètres de diamètre donc c'est vraisemblablement une nanoparticule.

Une autre des raisons pour laquelle je suis fasciné par les virus est lorsque j'ai étudié le virus visna, "mæðuveiki", la maladie maëdi-visna (pneumonie progressive ovine) et les travaux de la pionnière Margrét Guðnadóttir (1929-2018), qui fût la première femme à obtenir un poste de professeure à l'Université de l'Islande, elle était connue mondialement pour ses recherches sur les maladies virales. On peut mentionner que sa petite-fille est également devenue mondialement connue, c'est-à-dire, Hildur Guðnadóttir compositrice et lauréate d'un Oscar.

La plupart des virus contiennent de l'ARN (acide ribonucléique - apparenté de près à l'ADN), protéines et lipides. Dans le cas des coronavirus, l'ADN est d'environ 32 000 noyaux basiques de longueur. Cet ARN fonctionne comme un virus informatique lorsqu'il entre dans une cellule et commence à modifier la programmation de production de celle-ci pour qu'elle fabrique d'innombrables copies de lui-même, en créant une quantité énorme de virus ARN et les protéines et lipides dont il a besoin. Lorsque tous ces matériaux de construction se réunissent dans des cellules infectées, ensuite ils s'imbriquent ensembles comme des blocs Lego pour créer de nouveaux virus. Autrement dit, ce virus est auto-assemblé!

Le facteur clé est que les virus sont des nanoparticules auto-assemblées. Il n'y a pas de soi-disant liaisons chimiques covalentes (Covalence: Liaison chimique par mise en commun d'électrons des atomes constitutifs.) qui retiennent les protéines, l'ARN et les lipides ensembles dans cette nanoparticule - ça retient plutôt seulement qu'une faible liaison non covalente, tout comme l'eau dans un verre, il n'y a que l'accumulation d'innombrables molécules d'eau qui sont maintenues ensemble par des liaisons chimiques toutes aussi faibles. Donc, tout comme l'eau, ça en prend moins pour séparer les molécules (ARN, protéines, lipides) des virus les unes des autres que si vous essayiez de détruire par exemple, les protéines des molécules d'ARN spécifiquement (ce qui requiert une réaction chimique). Une autre métaphore est celle d'un mur de briques qui est maintenu par un mortier de mauvaise qualité. C'est plus facile de briser le mortier plutôt que les briques elles-mêmes pour faire s'effondrer le mur.

Lorsque la cellules est pleine de ces nouveaux virus elle éclate carrément (et la cellule meurt) et tous ces nouveaux virus sortent dans l'environnement immédiat et foncent vers les intérieurs de plus de cellules et ainsi de suite (c'est l'infection). Dans les poumons, là où le COVID-19 mais également les virus de la grippe et du rhume sont répandus, il pénètre aussi les voies respiratoires des poumons. Lorsqu'une personne déjà infectée, bien sûr, et aussi qu'une personne en bonne santé tousse mais surtout lorsqu'elle éternue, sont alors projetées de petites gouttelettes d'eau hors des poumons jusqu'à 10 mètres ! C'est pourquoi vous devez essayer de tousser ou d'éternuer dans le creux de votre coudre.

Certaines de ces gouttes portent le virus. Le COVID-19 semble voyager dans les plus grosses gouttelettes qui, habituellement, revolent « seulement » jusqu'à 2 mètres lors d'un éternuement. Si la goutte tombe sur une surface dure, comme par exemple une poignée ou une rampe en acier, elle sèche rapidement mais le virus demeure.

Ce qui se passe par la suite s'explique par le fait qu'il y a la présence d'une nanoparticule auto-assemblée. L'eau même de l'air humide fini par briser le lien (la colle) qui lie les particules ensembles. S'il y a de la chaleur dans l'air il y a plus de chances que les particules éclatent. C'est une des raisons, et non la moindre, que les maladies virales sont plus nocives lors des saisons froides - le virus demeure actif plus longtemps hors du corps ! Le virus est également plus stable sur les surfaces planes que les autres. Par exemple, les rampes d'acier à comparer aux boiseries. La raison est qu'une surface « rugueuse » retient le virus plus qu'une surface lisse puisqu'il y a un plus grand contact entre le virus semi-sphérique et la surface l'entourant. Le bois, le linge et les autres surfaces qui sont constituées de produits organiques (donc tous les produits qu'ils soient naturels et ceux utilisés en fabrication) sont le plus souvent des composites chimiques dont résulte une très forte « compétition » entre leurs composés, formant une liaison incompatible avec les molécules liantes du virus qui les maintiennent entiers, donc, le virus se défait. L'acier, la porcelaine, le béton lisse, quelques résines et plastiques ne sont cependant pas tellement « féroces » dans leur compétition alors le virus peut demeurer dessus longtemps avant de devenir inactif.

Il n'est pas facile de savoir combien de temps les virus peuvent être actifs à la surface du corps et dans le cas du COVID-19 nous parlons souvent d'une heure et peut-être même quelques jours si les conditions sont très favorables.

Que se passe-t-il lorsque vous touchez une surface qui contient un virus actif ? Bien sûr, la composition du virus avec ses membranes cellulaires importantes, font que le virus adhère mieux à la peau que par exemple, l'acier ou le béton. C'est parce que la peau est « grasse », c'est-à-dire qu'elle fait partie des lipides. Puis en chimie, l'expression «qui se ressemblent s'assemblent» est effectivement une loi. Le virus passe ensuite entre vos mains mais il ne peut pas (du moins dans le cas du COVID-19, du rhume et de la grippe) vous infecter à travers la peau de vos mains. Si vous accueillez quelqu'un, le virus peut également se retrouver sur les mains de votre ami.

Maintenant, deux choses peuvent se produire :
Si vous effleurez son visage, le virus peut passer de la peau de vos mains à sa figure - qui évidemment, ce qui chimiquement sont des surfaces très similaires. Alors, le virus se retrouve vraiment proche des voies respiratoires et des muqueuses autour de la bouche et des yeux. Ça en prend très peu pour qu'il passe dans les voies respiratoires (lors de votre prochaine respiration), soit qu' il passe à travers les muqueuses des yeux, du nez ou de la bouche pour que vous soyez infecté et que la diffusion incontrôlable commence à l'intérieur de vos cellules. Si vous êtes réellement malchanceux vous pouvez aussi être infecté lorsque quelqu’un éternue près de vous et que les gouttes infectées atterrissent directement sur leurs propres faces. Ce n'est pas vraiment mieux si elles tombent sur leurs mains. La même choses avec les baisers malheureusement... alors ça prend très peu de temps parce que les individus infectés ont aussi des virus dans la bouche. Les masques n'aident pas beaucoup par rapport à ça puisque les gens vont quand même se toucher le visage et ainsi de suite.

Question - à quelle fréquence touchez-vous votre visage ? Réponse - chez la plupart des gens c'est une fois à toutes les 3 à 5 minutes en moyenne lorsque vous êtes éveillés ! C'est sauf si vous vous entraînez à ne pas le faire - c'est une des choses que les autorités sanitaires exhortent les gens à faire.

La seule chose qui peut sauver une personne suite à l'arrivée du virus dans le corps est son système immunitaire. Le succès dépend principalement de la reconnaissance du virus par l'organisme. Si le corps reconnait le virus il peut généralement le contrôler. Par conséquent vous n'avez généralement pas deux fois les oreillons et rarement plus de deux fois la grippe au cours du même hiver. Cependant la grippe mute si rapidement que même si vous contractiez la grippe un hiver, elle est généralement tellement mutée l'hiver suivant que vous pourriez facilement l'avoir à nouveau. Sauf que si vous êtes vacciné et que le vaccin contient la version correcte du virus (inactive!), vous pourrez souvent vous en sauver! Les vaccins contre d'autres maladies virales comme la rougeole sont beaucoup plus efficaces et durent généralement toute une vie ; puisque la quasi-totalité de la rougeole avait été éliminée avant que le mouvement anti-vaccin pédiatrique fasse des revendications, mais ça, c'est une autre histoire.

Malheureusement, la fabrication d'un vaccin prend beaucoup de temps, nous devons donc probablement attendre le vaccin du COVID-19 au moins jusqu'à la fin de l'année, sinon plus.

Mais si vous vous lavez les mains avant que le virus passe de vos mains à votre visage? Si vous utilisiez que de l'eau, le virus, qui est comme une minuscule boule de graisse, reste sur votre peau (Qui se ressemblent s'assemblent). Donc, si vous mettez vos mains dans l'eau, le virus adhère à la peau et ne se déloge pas facilement. Si vous vous essuyiez soigneusement avec une serviette ou un essuie-tout « serviette de papier » (c'est ce qui est probablement mieux dans ce cas), il y a peu de chance que la friction entre l'essuie-tout et la peau soit suffisante pour retirer le virus de votre peau. Mais à elle seule, une bonne friction n'est pas suffisante.

Le savon, en revanche, contient du gras (lipides). Lorsque la peau entre en contact avec l'eau savonneuse ou la mousse, ces graisses contenues dans le savon « rivalisent » avec les lipides du virus. De plus, les graisses du savon entrent en concurrence avec les liants qui maintiennent les protéines et l'ARN ensemble en grappe. Les corps gras du savon rivalisent aussi avec la surface de contact entre la peau et le virus et il peut s'en défaire. Qu'il y ait de l'eau présente, ne veut pas dire seulement que le virus peut être emporté par celle-ci, mais plutôt que la "colle" qui le maintient ensemble se désagrège par toutes les substances grasses du savon. À la fin, se libèrent certains autres matériaux auto-composés du virus et il se défait à la manière d'un château de cartes en plongeant dans l'eau savonneuse. De cette façon, le virus devient inactif !

Les « spiritueux » fonctionnent à certains égards, de la même manière. Les molécules d'éthanol (ou parfois d'autres alcools dont le synonyme « spiritueux » que j'utilise) "rivalisent" avec les corps gras et les protéines par le biais de composés non covalents et le virus se dissout. Mais, il faut vraiment beaucoup d'alcool pour dissoudre le virus (et/ou le dégager de la peau). Par exemple; la force de l'alcool devra être d'au moins 60%, ce qui veut dire que la vodka ou le whisky qui ne contiennent qu'environ 40% d'alcool, ne suffiront pas ! Effectivement, puisque si la teneur en alcool est seulement de 40%, le virus est suffisamment stable pour lui résister pendant au moins un petit bout de temps. Bien que même si l'alcool dans le gel avait une teneur de 70% (ou plus), il y a souvent de l'eau quelque part, par exemple ; juste de la sueur sur les mains et c'est suffisant pour que l'alcool ne fonctionne pas chimiquement à 100% pour dissoudre le virus. C'est à cause de ça que le savon est MEILLEUR que les gels alcoolisés ou les lingettes à essuyer. Toutefois, la plupart de ces gels contiennent des savons et ils en tirent probablement le meilleur parti. Plusieurs savons ou lingettes bactéricides ne contiennent que de l'alcool comme ingrédient actif.

L'alcool tue aussi les bactéries, d'une façon similaire qu'il dissout les virus.

Beaucoup de soi-disant savons antibactériens contiennent aussi d'autres produits qui se doivent de tuer les bactéries. L'un des plus courants dans cette catégorie est une substance appelée triclosan. Cela tue les bactéries (en fait il n'y a rien de particulier à cet égard) mais peut aussi causer des effets secondaires potentiels, ce qui fait que de plus en plus de pays interdisent le triclosan et les substances apparentées, du moins, dans les savons vendus au public. J'ai regardé la description d'un savon bactéricide vendu dans les supermarchés ici (en Australie) mais je n'ai pas vu qu'elle contenait une substance bactéricide spécifique. En réalité, ça semblait être du savon « normal ». Mais comment ça se fait que le savon bactéricide peut contenir du triclosan ou tout autre ingrédient actif ou non, puisque ces substances n'ont AUCUN effet sur les virus ! Encore une fois, le seul avantage d'utiliser un savon antibactérien pour contrer un virus est le savon qu'il contient... que vous achetez à un prix beaucoup plus bas s'il ne contient pas de substances bactéricides (qui ne peuvent pas être très utiles de toute façon).

En bref, les virus sont très apparentés aux petites boules de lipides protéiniques et à l'ARN sauf que celles-ci le sont à l'échelle nanométrique. Ces boules sont très stables et peuvent demeurer « actives » à l'extérieur du corps pendant une longue période de temps. Elles adhèrent à la peau si vous les touchez et comme la plupart d'entre nous avons l'habitude de se toucher le visage régulièrement, elles se retrouvent dans la bouche, le nez ou les yeux et avec cela, vous attrapez le virus. Le meilleur conseil est donc d'éviter de se toucher le visage et de se laver régulièrement et soigneusement les mains avec un savon pour les mains. S'il n'y en a pas de disponible, utiliser du gel antiseptique à l'alcool ou des lingettes.

Ici se termine mon petit article informatif sur les virus, la chimie, la nanotechnologie et le savon. Toutes mes excuses pour les fautes d'orthographe, n'ayant pas vécu en Islande depuis plus de 20 ans.
Or, comme je ne suis pas un virologue comme Margrét Guðnadóttir, il est possible que ma description des virus soit légèrement imprécise du point de vue de la virologie, car j'ai principalement regardé « le processus de vie » des virus avec les « lunettes » de la chimie.
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