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DES INDES À LA PLANÈTE MARS

par corbeau, samedi 27 mai 2023, 21:21 (il y a 328 jours)

LE POUVOIR DE CRÉATION IMAGINAL D’UNE MÉDIUM :

DES INDES À LA PLANÈTE MARS

Catherine-Élise Müller a trente-deux ans lorsqu'elle rencontre Théodore Flournoy qui, intrigué et curieux, décide d'assister aux séances de spiritisme qu'elle donne à Genève. On est en 1894, la réputation du médium est en plein essor et Flournoy, de son côté, vient d'obtenir la chaire de psychologie à la Faculté des sciences de Genève. Leur rencontre marque un tournant dans la carrière du médium qui développe alors, pendant plus de 6 ans, deux fictions romanesques assorties de l'invention de langues imaginaires : l'une d'intonation orientale et l'autre martienne.Il existe une documentation précieuse sur cette histoire : le compte-rendu des séances de spiritisme rédigé par un collaborateur de Flournoy. Ce déroulé retrace avec une précision remarquable l'origine des romans subliminaux et l'apparition des langues. C'est à partir de ces documents qu'est construit le texte lu par les acteurs de ce film.

https://www.dailymotion.com/video/x3lxexn


LE LIVRE : DES INDES À LA PLANÈTE MARS
https://archive.org/details/desindeslaplan00flou


"Des Indes à la planète Mars" : envoûtant documentaire sur les puissances du cinéma

Sans s'inscrire dans la veine expérimentale du cinéma, ce film relève de l'expérimentation sur ses puissances d'évocation. Cet étonnant documentaire se situe presque intégralement dans un studio d'enregistrement mais s'en arrache par la puissance du récit qu'il met en scène. Voyage mental des Indes à la planète Mars.

Par Isabelle Regnier Publié le 01 avril 2008

https://www.lemonde.fr/cinema/article/2008/04/01/des-indes-a-la-planete-mars-envoutant-...

Sans se situer à proprement parler dans la veine expérimentale du cinéma, Des Indes à la planète Mars relève incontestablement de l'expérimentation sur ses puissances d'évocation. Co-réalisé par Christian Merlhiot et Matthieu Orléan, cet étonnant documentaire se déroule presque intégralement à l'intérieur d'un studio d'enregistrement radiophonique, autour d'une table où sont assis quatre acteurs (Mireille Perrier, Edith Scob, Boris Alestchenkoff et Jean-Christophe Bouvet), et derrière laquelle un cinquième se tient debout (Jacques Bonnaffé). A travers l'exercice de lecture collective à laquelle ils se livrent en ce lieu neutre, le film nous conduit pourtant dans un espace imaginaire envoûtant.

Le texte lu est tiré du compte rendu d'une série de séances de spiritisme qui ont eu lieu entre 1894 et 1897 et au cours desquelles une médium, Catherine-Elise Müller, a vécu, devant témoins, des expériences de métempsychose (réincarnation dans un corps humain, animal ou un végétal) qui l'ont conduite à voyager mentalement aux Indes, et sur la planète Mars. Observée et questionnée pendant ces séances par plusieurs personnes, dont le professeur de psychologie Théodore Flournoy, elle a transmis ses visions, et communiqué à travers elles des bribes de langues imaginaires censées être de l'hindou et du martien.

Filmée dans des plans-séquences glissants, quasi hypnotiques, la parole s'autonomise peu à peu, au point de faire oublier le studio d'enregistrement, et de transformer, insensiblement, les acteurs-lecteurs en de véritables personnages. L'intensité de l'expérience médiumnique représentée, la poétique des langues inventées, propulsent le film dans un ailleurs bizarre et font naître, chez le spectateur, tout un flot d'images mentales qui dialoguent avec le récit. En contre-point, de courtes séquences muettes filmées en Inde s'intercalent entre les séances tournées dans le studio, et achèvent de nimber le film d'un parfum de mystère.

Film documentaire français de Christian Merlhiot et Matthieu Orléan avec Mireille Perrier, Jacques Bonnaffé, Boris Alestchenkoff. (1 h 20.)


IL ÉTAIT UNE FOIS HÉLÈNE SMITH
Genève 1895
Geneviève Piot-Mayol

1 « Il y a plus de choses au ciel et sur la terre que n’en peut contenir votre philosophie ». Cette citation de Shakespeare est une de celles que Freud préférait, Théodore Flournoy aussi y faisait souvent référence, lui qui publie son livre sur Hélène Smith, Des Indes à la Planète Mars, très exactement en même temps que la Traumdeutung. La réponse d’Hamlet à Horatio, après l’apparition du fantôme de son père, est précédée dans le texte de la tragédie par ces répliques :
Horatio : Oh day and night but this is wondrous strange
Oh jour et nuit, cela est étonnamment étrange
Hamlet : And therefore as a stranger give it welcome
Et comme à un inconnu, donne-lui la bienvenue

2 Ce glissement de l’étrange à l’inconnu, à l’étranger n’est-il pas celui qu’Hélène Smith nous fait faire à travers la construction de ses trois romans et de ses langues dites étrangères, langues parlées et écrites au cours de ses transes médiumniques ?

3 Une femme nommée Hélène Smith par ce chercheur, Théodore Flournoy, professeur à la faculté de Genève à la fin du XIXe siècle. Il étudie, dans cette période où fleurit la parapsychologie, les phénomènes « psychiques » c’est-à-dire occultes ou métapsychiques, dans la ligne de Myers, Janet et du philosophe Bergson.

Une femme nommée Hélène

4 Hélène, une femme nommée familièrement par son prénom ! Et pourtant quel respect, quelle admiration lui témoigne le professeur Flournoy, dans son livre Des Indes à la Planète Mars, qui a pour sous-titre « Observations sur un cas de somnambulisme avec glossolalie », écrit sur le médium Élise Müller qu’il a observée pendant cinq ans, de 1895 à 1900. Il l’a baptisée, avec son consentement et peut-être à sa demande, du prénom de sa propre fille alors âgée de 3 ans, Hélène Flournoy. Il ajoutera le nom anglosaxon Smith. Hélène Smith, voilà donc le nom d’acteur sous lequel, à partir de la publication du livre, le médium sera connu, au-delà des mers jusqu’en Amérique.

5 Élise Müller, qui vit seule avec sa mère après la mort subite de son père, aux alentours de ses 30 ans, est initiée alors au spiritisme. Elle n’invoque jamais dans les séances l’esprit de son père, pas plus que celui de sa sœur cadette morte à l’âge de 3 ans, âge d’Hélène Flournoy lorsque Élise lui emprunte son prénom. Élise a arrêté ses études assez tôt, elle essaie d’apprendre l’allemand entre 12 et 15ans mais elle est très peu douée pour les langues. À 15 ans, elle commence à travailler comme magasinière dans une maison où elle restera jusqu’à la fin de sa vie professionnelle, c’est-à-dire jusqu’au moment où, après la parution du livre de Flournoy et la célébrité qui s’ensuivra pour elle, une riche Américaine lui octroie une rente qui la dispense de gagner sa vie. Elle ne se fera jamais payer pour ses séances de médiumnité.

6 La mère d’Hélène était d’origine suisse et parlait le français. Elle n’a pas connu sa propre mère, morte peu après sa naissance. Le père d’Hélène était d’origine hongroise, il avait séjourné en Italie et en Algérie pour venir finalement s’installer à Genève. Il était polyglotte : il parlait le magyar, l’allemand, le français, l’italien, l’espagnol et l’anglais ; il connaissait aussi le latin et le grec. La mère d’Hélène était croyante spirite, son père était opposé à cette croyance. Hélène, outre sa sœur cadette décédée, a deux frères aînés établis à l’étranger.

7 Flournoy n’a pas seulement derrière lui les noms Myers, Janet, Bergson. Sur la scène médiumnique, c’est-à-dire chez lui ou chez son collègue le Professeur Lemaître qui l’a invité à venir, il est entouré de chercheurs parmi lesquels Victor Henry, professeur de sanscrit et de grammaire comparée à l’Université de Paris ; Ferdinand de Saussure participera à quelques séances et sera pendant cinq ans un des interlocuteurs privilégiés de Flournoy à propos des langues inventées par Hélène Smith en état de transe somnambulique.

8 Voilà donc Hélène Smith assiégée, de plein gré et non sans plaisir, par tous ces savants qui cherchent, à travers elle, à percer un mystère. Quel mystère ? Quel savoir prêtent-ils à cette femme, autre que celui de leur science ?

9 Théodore Flournoy s’efforce avant tout de démontrer que le supra normal, objet de la croyance spirite, n’existe pas dans ce qu’il a observé. Il explique tous les phénomènes étranges par la personnalité subliminale d’Hélène Smith, subliminal c’est-à-dire en dessous du seuil de la conscience, terme emprunté à Myers dont il se réclame. Pour lui, l’état de transe du médium endormie, à moitié ou complètement, est semblable à celui d’un rêveur. Il compare cette merveilleuse production, « ce poème subliminal », « cette magnifique floraison », « cette luxuriante végétation » – selon ses expressions – à celle du rêve dont il fait également l’éloge. Pour Flournoy, le médium est l’intermédiaire, non entre les esprits et nous comme le croient les spirites, mais entre le subliminal et nous.

10 Au cours de la première séance en décembre 1894 à laquelle assiste Théodore Flournoy, Hélène Smith lui fait des révélations sur sa famille aux générations antérieures. De quoi le faire flamber ! La séduction réciproque est immédiate. C’est une histoire d’amour qui commence à leur insu. Flournoy ne voudra jamais le reconnaître, il restera même dans la dénégation du transfert, il avouera seulement que certaines productions d’Hélène lui sont destinées.
Comment se passe une séance médiumnique ?

11 Dans la pénombre, le soir, Hélène s’installe à la table, le célèbre guéridon à trois pieds. Au bout d’un laps de temps variant de quelques secondes à près d’une heure, d’autant plus court que la pièce est moins éclairée et que les participants sont plus silencieux, elle commence à avoir des visions précédées et accompagnées de troubles très variables de la sensibilité (fous rires invincibles, tristesse, malaises divers, nausées), de troubles moteurs et de troubles de la vue : elle cesse de voir le ou les membres de l’assistance auxquels se rapporteront les messages. Parfois, elle voit certaines personnes avec un costume étrange ou un chapeau insolite. Peu à peu, elle entre dans une transe plus ou moins complète, somnambulisme total ou hémi-somnambulisme. La séance dure d’une heure à une heure et demie si Hélène reste éveillée, le double si elle est totalement endormie.

12 Elle décrit ce qu’elle voit, elle s’adresse plus particulièrement à l’une des personnes présentes, elle change de visage. Selon l’esprit qu’elle incarne, elle change de voix. Elle écrit aussi, soit l’écriture est automatique, soit une dictée typtologique est donnée par la table ou par l’un de ses doigts.

13 Au cours des cinq années de travail avec Flournoy, Hélène Smith a élaboré, pendant ses transes, trois romans plus ou moins simultanés, parfois imbriqués les uns dans les autres. Flournoy les appelle « le cycle royal », « le cycle martien » et « le cycle hindou ». Elle a aussi inventé plusieurs langues : le martien, l’ultra-martien et le pseudo-sanskrit. Dans le cycle royal, Hélène incarne Marie-Antoinette et l’esprit désincarné de Cagliostro, amoureux de la reine, va servir de guide à Hélène pendant toutes les séances, parfois même en-dehors et cela encore après la publication du livre. Cet esprit, appelé Léopold, sera reconnu et nommé à partir de la médiumnité d’Hélène. Mais il dira lui-même avoir existé dans la vie d’Hélène dès l’âge de 10 ans. C’est un personnage vêtu d’une bure et portant une croix blanche sur la poitrine, qui se trouve là dès qu’Hélène est en danger. Il est à la fois le maître, l’interdicteur concernant la sexualité et le protecteur.

Un esprit s’annonce sous le nom de Léopold

14 Pourquoi ce nom Léopold ? L.P.D. sont les trois lettres inscrites sur la poitrine de Balsamo-Cagliostro dans le roman d’Alexandre Dumas qu’Hélène a certainement lu. Initiales de la devise des Illuminés : Lilia pedibus destrue, « Détruis les lys en les piétinant », le lys symbole de la royauté française mais aussi de la pureté comme chacun sait. Ce Léopold défenseur d’une morale austère est peut-être aussi celui qui cherche à détruire le roi, en tant que loi du père. Quand la haine l’emportera, à la fin de l’histoire d’amour, le cycle érotique viendra nous révéler un Léopold amant furieux d’Hélène. Elle pourra jouer alors des scènes érotiques et même obscènes, selon les descriptions d’une jeune femme psychiatre à qui Flournoy a passé la main pour observer Hélène. Scènes que ce médecin déclenche en demandant à Léopold comment un esprit désincarné peut faire l’amour… La pureté, le lys d’Élise (Élyse), seront bien entamés!

15 Les participants parlent avec Léopold, lui posent des questions auxquelles il répond par l’intermédiaire d’Hélène, surtout Théodore Flournoy qui a pris la place de Lemaître dans la direction des séances. Il ne s’agit pas de direction de la cure car Flournoy ne se place pas dans une perspective de soin puisque, selon lui, Hélène n’est pas malade. Une rivalité va s’installer entre Léopold et Flournoy qui vont même jusqu’à s’écrire des lettres où l’amitié n’est qu’apparente, et Hélène manipule très bien cette jalousie qu’elle inspire.

16 Une autre origine du nom de Léopold est proposée par le linguiste Victor Henry à partir des deux syllabes « Liostro » de Cagliostro : « Cag, par l’intermédiaire du magyar ag qui signifie branche et dont l’équivalent allemand est Ast a engendré Astané », un des personnages martiens, sorte de double de Léopold. Astané lui-même a une doublure, un certain Ramié, au nom formé sur le radical français rameau, traduction de l’allemand Ast, à quoi s’ajoute un suffixe martien – ié. Cet exemple nous montre comment les langues d’Hélène Smith ont des ramifications qui se transversent les unes les autres, à travers les différents romans.

17 Ajoutons que, selon l’hypothèse de Victor Henry, la syllabe « cag » peut avoir donné, par nasalisation de la voyelle et addition d’une finale sanscritoïde, le nom du sorcier Kanga, antériorité hindoue d’Astané. Nous obtenons alors la trinité des directeurs spirituels d’Hélène, identiques finalement dans leur fonction, autour du trône de France, aux Indes et sur la planète Mars. Le nombre d’esprits masculins qui protègent Hélène Smith est-il en rapport avec le nombre de savants qui l’étudient sur la scène médiumnique ?

Hélène Smith sur Mars

18 Pour le spiritisme, les barrières de l’espace ne comptent pas plus que celles du temps. En cette fin de siècle, les martiens sont dans l’air (La Planète Mars, de Flammarion est publié en 1892). Le premier voyage de Hélène Smith sur mars se fait lors de la séance du 25 novembre 1894, en écho au souhait de M. Lemaître.

19 « Dès le début, relate le procès-verbal, Mlle Smith aperçoit dans le lointain et à une grande hauteur une vive lueur. Puis elle éprouve un balancement qui lui donne au cœur ; après quoi il lui semble que sa tête est vide et qu’elle n’a plus de corps. Elle se trouve dans un brouillard épais, qui passe successivement du bleu au rose vif, au gris, et au noir. Elle flotte, dit-elle ; et la table, appuyée sur un seul pied, se met à exprimer un mouvement flottant très curieux, comme des spires recommençant constamment le même tour. – Puis elle voit une étoile qui grandit, grandit toujours, et devient “plus grande que notre maison”. Hélène sent qu’elle monte. – Puis la table donne par épellation : Lemaître, ce que tu désirais tant ! – Mlle Smith, qui était mal à l’aise, se trouve mieux ; elle distingue trois énormes globes dont un très beau. Sur quoi est-ce que je marche ? demanda-t-elle. Et la table de répondre : “sur une terre, Mars.”  [1]
[1]Des Indes à la planète Mars, p. 137-138. »

20 La langue martienne débute à la séance suivante du 2 février 1896 qui dure une heure et demie. D’abord, c’est un baragouinage comme dans un jeu d’enfant. Le « vrai martien » naît pour répondre au désir manifeste des assistants d’obtenir l’équivalence précise de quelques mots martiens isolés. Il faudra un temps d’incubation d’une demi année pour fabriquer une langue. Un an et demi plus tard viendra l’écriture martienne, et ensuite les peintures martiennes. « Hélène dessine et peint avec une facilité frisant l’automatisme » écrit Flournoy.

21 Le personnage central du cycle martien est Esenale ; c’est l’esprit du fils de Mme Mirbel présente à la deuxième séance martienne ; Alexis Mirbel, élève du Pr. Lemaître, est mort récemment à l’âge de 17ans. Esenale est une sorte d’anagramme d’Alexis, avec une inversion syllabique. Selon le Pr. Henry, la finale–xis, rare en français viendrait du magyar « csacsi » qui a une consonance proche, surtout prononcé à la française. Or « csacsi » signifie « âne », espèce de diminutif tendre qu’on donne aux enfants. Le mot a pu jaillir des lèvres du père d’Hélène. L’image verbale hongroise rappelle son associée allemande « Esel » (âne) et lui cède la place. Cela donne Esel-âne dont la métathèse exacte est Esenale. Cette démonstration donne une idée du travail de ces linguistes sur la langue produite par Hélène.

22 Esenale a eu une deuxième existence incarnée sur Mars et à nouveau il est désincarné, ce qui lui permet de présider aux séances martiennes comme traducteur connaissant à la fois le français et le martien. Esenale apparaît et disparaît brusquement pendant les séances. Flournoy pense que le martien est créé par incubation subconsciente et délivré par séquences.

23 Le martien est une langue constituée dira Saussure, ce n’est pas une glossolalie. C’est un travestissement du français car la syntaxe en est la même ; seuls les sons ont changé. L’alphabet n’a pas varié pendant deux ans : chaque lettre martienne a son équivalent exact dans notre alphabet. Pas de chiffres, pas d’accents ni de ponctuation, pas de majuscules ni de minuscules. Imitation appauvrie de notre système d’écriture, gros travail d’imagination et de mémoration pour inventer un vocabulaire aussi extraordinaire que possible. Les noms magyars, en proportion d’un quart, sont les moins déformés. La référence au père appellerait moins le travestissement.

24 À la suite d’une intervention de Flournoy faisant remarquer à Hélène que le martien était très proche du français, elle inventera l’ultra-martien, beaucoup plus compliqué, avec un rythme nouveau, riche en a et plus seulement en ié. Les mots de la phrase sont brouillés dans leur ordre. « Le naïf philologue subliminal de Mlle Smith ne sait pas en quoi consiste la syntaxe » écrit Flournoy avec humour. Et plus sévèrement, dans Les Nouvelles Observations, il taxera l’ultra-martien de « rabâchage et dégénérescence de la langue martienne en voie de se pervertir et même de se jargonner ». Les paysages, comme la langue, y prennent une note sombre. Comme si, dans son effort pour aller au-delà, il y avait aussi un retour vers l’archaïsme. Après la publication du livre, il y aura les cycles astro-linguistes postérieurs : Uranus et la Lune – encore plus au-delà.

Le cycle hindou

25 Le cycle hindou se déroule sur quatre années de médiumnité au cours de trente scènes « orientales ». Hélène Smith était, à la fin du XIVe siècle, la fille d’un cheik arabe, peut-être nommé Pirux, qu’elle quitta pour devenir, sous le prénom de Simandini, la 11e femme du prince Sivrouka Nayaka régnant sur le Kanara dont Théodore Flournoy a l’honneur – précise-t-il – d’être la réincarnation. Simandini, femme préférée de Sivrouka, l’aimait avec passion et à sa mort, elle fut brûlée vive sur son bûcher. Elle revit cette scène le 10 mars 1895 :

26 « Elle avance lentement autour de la chambre, comme en résistant et entraînée malgré elle, tour à tour suppliante et se débattant énergiquement contre les hommes fictifs qui la mènent à la mort. Tout à coup, se dressant sur la pointe des pieds, elle paraît montée sur le bûcher, cache avec effroi sa figure dans ses mains, recule de terreur, puis avance à nouveau comme poussée par-derrière. Finalement elle s’abat brusquement de toute sa hauteur, et tombe à genoux devant un douillet fauteuil dans lequel elle enfonce son visage couvert de ses mains jointes. Elle sanglote violemment. Par le petit doigt, visible entre sa joue et le coussin du fauteuil, Léopold continue à répondre par des oui et non très nets à mes questions  [2][2]Ibid., p. 238.. »

27 Autour de ces deux personnages principaux, des esprits masculins en grand nombre : le fidèle domestique Adel venu avec elle d’Arabie aux Indes, le fakir Kanga réincarné en Astané, Mioussa qui sera incarné par Saussure et encore Mongia, Kangia Kana.

28 Les somnambulismes hindous font l’admiration de Théodore Flournoy qui refuse d’y voir joué l’amour que lui porte Hélène Smith. Pourtant dans certaines scènes, elle s’approche de lui avec tendresse et l’érotisme n’est pas loin.

29 Flournoy fera tout pour retrouver les sources historiques de ce roman, et il finira par les découvrir dans L’Histoire de l’Inde de Marlès, en six volumes.

30 Dans les Nouvelles Observations, publiées en 1902, après le livre, Flournoy reviendra sur un jugement trop favorable d’après lui concernant le cycle hindou. En fait, c’est – écrit-il alors – une construction bâtarde qui ne tient pas debout. En tant que princesse de Tchandraguiri, ville bâtie en 1401, née et élevée en Arabie jusqu’à l’âge de 20 ans, elle devrait parler l’arabe et l’ancien kanara, et au mieux le dialecte populaire car les femmes n’apprenaient pas le sanscrit.

31 Ferdinand de Saussure observe : « Je ne me souviens pas qu’on puisse dire en sanscrit “mon Sivrouka”, ni “mon cher Sivrouka” ; on peut bien dire mama priya, “mon bien-aimé”, substantivement, mais c’est autre chose mama priya Sivruka; or, c’est ce “mon cher Sivrouka” qui revient le plus souvent [3][3]Ibid., p. 263.. »

32 D’autre part, sa mort sur le bûcher avec le cadavre de son époux relève du bouddhisme alors que l’Islam régnait au Kanara à cette époque. Le soidisant langage hindou d’Hélène Smith n’est aucun idiome déterminé connu des spécialistes ; on y retrouve des termes ou des racines qui se rapprochent du sanscrit plutôt que des langues actuelles de l’Inde.

33 Ferdinand de Saussure a assisté à quatre séances hindoues et a correspondu avec Flournoy au sujet d’Hélène Smith et de cette langue. Il affirme catégoriquement que ce n’est pas du sanscrit mais c’est une vraie langue, dans le genre du martien, c’est-à-dire avec une syntaxe française, créée à partir d’un mélange de termes réels sanscrits et de termes inventés.

34 Selon Flournoy le rêve hindou est moins puéril que le rêve martien, il correspond à un âge d’Hélène plus avancé, contemporain de celui où elle a appris allemand, de 12 à 15 ans. De plus l’origine du sanscrit d’Hélène Smith est exclusivement visuelle. Après la publication de son livre, il découvre qu’un ami spirite d’Hélène Smith, chez qui elle a donné des séances, a étudié le sanscrit et possède chez lui une grammaire de cette langue qu’elle a dû consulter. Quant aux éléments historiques, après avoir émis des hypothèses sur le fait qu’elle aurait pu avoir accès au livre de Marlès, il finit par conclure qu’elle a dû lire des ouvrages de vulgarisation.

Un autre élément de réalité historique

35 Il y a un autre élément, de réalité historique peut-être, mais qui a trait à l’histoire personnelle d’Élise Müller et de Théodore Flournoy. Flournoy l’évoque dans Les Nouvelles Observations.

36 Dans la vision hindouiste du 10 septembre 1899, la petite Hélène Simandini feuillette un cahier bleu contenant des vues d’Orient en présence d’un enfant qui est déjà son futur fiancé hindou. Scène clé parce qu’elle est, selon Flournoy, le ressouvenir d’une expérience de la petite enfance d’Hélène, âgée de 5 ans, tandis que Sivrouka aurait dans la vision 12 ans. Or la différence d’âge de sept ans est celle qui existe dans la réalité entre Hélène Smith et Théodore Flournoy. La mère d’Hélène et les grands-parents de Flournoy étaient en relation à cette époque : « Ce qui explique les visons d’Hélène Smith concernant ma famille, ajoute Flournoy. La petite Hélène a fort bien pu me rencontrer en ce temps-là chez mes grands-parents, même si je n’en ai aucun souvenir. Mon image a été fusionnée d’emblée avec une physionomie orientale rencontré dans la rue ou dans un livre. »

37 En reconnaissant lors d’une transe Sivrouka dans Théodore, Hélène reconnaîtrait effectivement le petit garçon avec qui elle a feuilleté le cahier bleu, départ du roman hindou. Hypothèse impossible à vérifier mais ce fantasme de Flournoy explique le fantasme d’Hélène. L’histoire de SimandiniHélène et de Sivrouka-Théodore aurait commencé là. Ce que Flournoy refuse, c’est qu’il s’agit d’une histoire d’amour.

38 De même Hanold, dans la Fantaisie pompéienne de Jensen, commentée par Freud, était amoureux de sa Gradiva, de pierre puis de chair, cette jeune femme à la démarche si séduisante, sans se souvenir qu’il l’avait connue et déjà aimée dans son adolescence. D’ailleurs, ce que Freud écrit de Hanold s’applique très bien à Flournoy : « La motivation scientifique sert de prétexte à la motivation érotique inconsciente. » Pour Hélène Smith aussi, ce roman hindou, où elle donne à Théodore Flournoy le rôle du prince, est une façon déguisée de déclarer son amour. Elle, sous couvert d’incarnation et de vies antérieures revécues ; lui, sous prétexte d’observations de chercheur ; tous deux mettent en scène la rencontre entre un homme et une femme. Ou plutôt la rencontre entre une femme et des hommes car Flournoy n’est pas seul ; il est entouré, protégé par ses collègues scientifiques.

« Atyêya ganapatinâmâ »

39 Pour terminer avec ce cycle hindou, je voudrais m’arrêter sur les deux premiers mots qu’Hélène Smith a prononcés dans cette langue : « atyêya ganapatinâmâ », mots dits avec emphase et accompagnés d’un geste de bénédiction religieuse. Sur cette phrase, car c’en est une, Ferdinand de Saussure a réfléchi pendant six ans. Il en donne une première explication hasardeuse en mars 1895, et une deuxième en mai 1901. Ganapatinâmâ signifie « qui porte le nom de Ganapati », nom familier du dieu Ganêsa : divinité hindoue qui s’intéresse à la gent professorale, dieu à la tête d’éléphant, patron des sages et des savants.

40 Quant à atyêya, « je crois maintenant possible, écrit Ferdinand de Saussure à Flournoy, le 16 mai 1901, de l’expliquer comme mot hindou… L’hypothèse consisterait à retrouver sous atyêya le sanscrit â-khyêyam, valant comme sens : recitandum, vocandum, nominandum, appellandum. (Ferdinand de Saussure a fait en latin des pastiches du sanscrit d’Hélène Smith). De sorte que toute la phrase, atyêya ganapatinâmâ = â-khyêyam ganapatinâmâ, prend une forme saisissable, et parfaitement traductible : recitandum (est) Ganapatis nomen, il faut répéter le nom de Ganapati. Un seul scrupule m’arrête, c’est que le verbe âkhyâtum n’est pas très généralement employé de cette manière qui frise le sens d’INVOCARE; il n’a pas en général le sens de répéter un nom mais de donner un nom. Je voudrais ici l’opinion d’un confrère comme M. Henry ».

41 Ils sont trois ces savants : Flournoy, Saussure et Henry, à avoir travaillé pendant plus de cinq ans sur les productions d’Hélène Smith. Ici sur la question de la nomination et de l’invocation du nom du dieu. Ils sont trois sans compter ceux avec qui ils correspondent : Auguste Barth, fondateur de l’école française d’Extrême-Orient et Charles Michel, professeur de langue et de littérature sanscrites à l’Université de Liège.

La nomination des esprits permet-elle une circulation symbolique ?

42 En invoquant ce Ganapati, dieu des savants et des professeurs, Hélène-Simandini n’appelle-t-elle pas la force de leur intelligence pour être nommée comme celle qui sait ? Être connue, reconnue comme le médium dont la renommée traverse les mers, médiatrice entre les esprits et les humains, détentrice d’un savoir mystérieux. Mais que sait-elle de son savoir de femme, si elle ne passe pas par la loi d’un homme. Cette bénédictioninvocation qui revient souvent dans les transes hindoues serait-elle une tentative pour redonner quelque effet à la fonction paternelle ? Au nom de Ganapati, au nom du père. Le père d’Hélène est absent de toute cette production mais ses personnages, l’Italien Cagliostro et le père arabe de Simandini sont peut-être des références à ce père qui a vécu un certain temps en Italie et en Algérie, ainsi que les mots magyars utilisés dans ses langues.

43 La nomination des esprits permet-elle une circulation symbolique ? Léopold est le représentant d’un autre imaginaire, double d’Hélène, lui-même doublé en Astané et redoublé en Ramié. Une cascade de doubles en miroir. Léopold est aussi le signifiant, d’abord propre à Hélène, qui devient commun à tous les participants. Il renverrait alors à l’Autre dans l’ordre symbolique. Que cherchent-ils ces savants, et que cherche Hélène, en faisant fonctionner, eux et elle, ce signifiant fantôme ? La rencontre entre le désir de savoir de ces hommes et la demande de reconnaissance d’Hélène se ferait autour de cette présence-absence qui appelle la langue. Cette nomination pour elle, femme, passerait par des hommes.

44 Quand Flournoy appelle Élise Hélène, la nomme-t-il ou l’invoque-t-il ? Ce elle qui passe de Élise à Hélène, cette lettre l qui la fait elle, vient-elle du divin, du dieu invoqué ? Et le l deux fois contenu dans Léopold est-il le double de celui d’Hélène ? Cette simultanéité entre pulsion invoquante et pulsion scopique est ambiguë. En l’appelant elle, en l’épelant, Flournoy montre du doigt Hélène. À travers son livre, il la montre se faisant voir.

45 « Un esprit s’annonce sous le nom de Léopold… Il se fait voir et se promène autour de la table » relate le procès-verbal d’une séance. Il s’annonce, se nomme, se fait entendre et se fait voir. C’est tout le programme de la mise en scène d’Hélène. Mais comment un esprit désincarné peut-il se faire voir ? L’imaginaire peut-il suffire pour donner corps au symbolique ? Qu’en serait-il alors du réel ?

46 Pour ce qui est du scopique, j’ai relevé un événement intéressant dans la petite enfance d’Élise. À l’âge de 3 ans environ, âge d’Hélène Flournoy quand Élise Müller lui emprunte son prénom, et âge de la petite sœur à sa mort, Élise rencontre un inconnu dans la rue ; frappé par sa physionomie et son profond regard, il lui dit « ta maman a oublié de te faire des yeux ». Ses yeux regardent si loin qu’ils sont vidés de leur substance, et cet homme en est subjugué. Que peut signifier pour la fillette cette absence perçue dans son regard ? Des yeux absents. « Secousse émotive d’une acuité pénétrante dont les vibrations s’irradient jusque dans la sphère psycho-sexuelle » écrira Flournoy. Il pense que Léopold est déjà là, non encore nommé.

La publication du livre

47 Après la publication du livre, Hélène va prendre des cours de peinture et se mettre à produire des tableaux à thème religieux. Elle n’est plus au centre du tableau, se faisant voir, comme sur la scène, mais elle donne à voir ce qu’elle croit percevoir de l’au-delà. Alors elle signe ses œuvres de ses nom et prénom, Élise Müller, qu’elle se réapproprie. Ayant perdu le regard intéressé de cet homme qui lui a donné un nom, elle peut accéder à son propre nom, mais cela ne se passe pas sans douleur.

48 Un conflit a éclaté entre Flournoy et Hélène Smith. Une correspondance de huit années aboutira enfin à la rupture. Récrimination et persécution du côté d’Hélène : « Elle s’est dévouée à lui pendant cinq ans, il a abusé d’elle. » Incompréhension et déception du côté de Flournoy. Le prétexte à la dispute, comme souvent dans les couples, est une question d’argent. Après avoir promis à Hélène Smith la totalité des bénéfices du livre, Flournoy lui en octroie seulement la moitié, puisqu’elle est devenue rentière grâce à la riche Américaine. Mais Hélène n’accepte pas de partager. Ce livre, dont elle se veut le co-auteur, représente-t-il un enfant de Flournoy ? Le couper en deux est impossible, ce serait le jugement de Salomon. Ce livre, qui l’a fait connaître au-delà des mers, au-delà de la mère, lui appartient totalement. Il représente son nom de voyante — regardée, il la représente elle, Élise devenue Hélène. Flournoy lui a donné un nom, il ne peut le reprendre. Elle seule décidera de redevenir Élise Muller quand une nouvelle création, picturale cette fois, et non de langue, lui permettra de se renommer elle-même sans passer par les hommes. À ce moment, elle n’aura plus besoin de cette passion des langues qu’elle avait en commun avec les savants linguistes. Son nom de clairvoyante sera passé à l’étranger et le glissement de l’étrange à l’étranger aura accompli son parcours, pardelà les transes.

La fonction des langues étrangères

49 Mais quelle était donc cette fonction des langues étrangères ? Une traversée de la mère, une trans-versée. Passer à travers et au-delà du corps de la mère. Les bruits du corps de la mère et les sons des paroles de la mère, parfois mêlées à celle du père, sont la première musique. Puis vient l’étrange des vocalises, la lallation jubilatoire, la lalangue, dans une jouissance inouïe avec la mère. Pour parler, il faudra se séparer de cette jouissance, aller de l’étrange vers l’étranger. Il faudra quitter cette emprise de la mère, se libérer du contrôle de la langue maternelle. Pour Hélène Smith, la libération passerait par la production de langues autres. Ce qui était à deviner pour elle bébé, elle cherche maintenant à le faire deviner aux savants. Elle possède alors le secret, elle est sa propre mère. Wolfson, lui, utilisait une langue déjà constituée pour échapper à sa mère. Hélène crée une langue qu’elle construit à son insu en décalque de la langue maternelle, seuls les sons diffèrent. Les bruits de la séance, de la table, de la plume, des chaises, des chuchotements servent de support pour déclencher l’invention de sons inconnus et étranges. Le premier trait de langue qui vient du vide est peut-être sonore, beaucoup plus tard, il fera nom pour la femme. Pour entrer dans la langue de la mère, il faut perdre toute une partie des sons produits ou entendus. L’étranger dans la langue maternelle serait cette part-là qui a fait trace, d’être abandonnée. Pour accepter cette perte, chacun de nous invente une nouvelle langue à l’instant même de parler. Ce n’est pas toi qui parles, c’est moi. Tirer la langue à la mère. La tirer de la mère pour la lui renvoyer, comme étrangère, comme à une étrangère.

50 Claude Maillard, dans Le Scribe, écrit : « Cet étrange étranger à soi-même et aux autres nous fait parler et en même temps nous taire. Lui seul étrangement tient tête à la mère. » Parler, inventer sa langue et en même temps se taire, devenir mutique, mystique. Se perdre dans un lieu tout autre. Hélène petite fille parlait à peine, est-il précisé, quand l’homme a remarqué l’absence au fond de ses yeux. Hélène, après les langues, se consacre à la peinture et au mysticisme. Il semble que pour elle, les temps aient été différents. Un Dieu silencieux a progressivement remplacé un Léopold bavard, mais pendant longtemps ils ont coexisté. Parler et en même temps se taire. Ce qui est perdu aussi bien que ce qui passe d’une langue à l’autre, l’un et l’autre sont tus dans la traversée.

Que cherchent les savants ?

51 Les savants sont vis-à-vis d’Hélène dans une position maternelle qui voudrait reprendre le contrôle. Ils pervertissent cette invention de langues avec leur recherche scientifique. Comme des parents qui enregistreraient les premières vocalises et les premiers mots de leur enfant pour en faire une analyse linguistique. Mais sous couvert de science, ce sont des hommes qui voudraient extorquer son secret à cette langue de femme.

52 Que cherchent ces savants à travers le corps qu’ils touchent – ils la pincent, ils la palpent – et qu’ils vont même jusqu’à faire photographier ; et à travers les paroles dites, dictées ou écrites, de cette femme en transe ? De quelle traversée, de quelle trans-versée espèrent-ils une révélation ? Est-ce le surgissement de cette réalité pure mais immanente dont Breton et les surréalistes pensent qu’elle peut se manifester au cours de l’écriture automatique ? Est-ce la réalité transcendante qui passerait dans cette communication avec les esprits ? De quelle trans-ascendance, pour reprendre l’écriture de Lévinas, de quel être, au-delà ou à travers l’apparaître, ces hommes de science attendent-ils un dévoilement ? Pourtant, ce que la femme cherche à dire, tout en le taisant, à travers sa langue, à travers ses langues, c’est du côté de Das Ding qu’il faut le chercher et non du côté de la chose en soi kantienne. Vers la perte primordiale et non vers l’absolu.

53 Ces hommes qui ont permis à Hélène Smith de produire ses langues, grâce à leur présence, à leur regard, à leur écoute sont finalement perdants. Ce savoir sur le sexuel, Hélène ne peut pas le leur délivrer car elle ne le connaît pas elle-même. Qu’est-ce qu’une femme ? Qu’en est-il du sexuel dans la langue ?

54 Ces hommes jouent un fantasme avec acharnement : en étant présent à l’origine d’une langue, à la naissance de sa construction, ils découvriraient « L’origine du monde » au sens de Courbet ! Mais le réel du féminin n’est pas un sexe, contrairement à ce que pensaient les inquisiteurs qui fouillaient le corps de la possédée jusque dans son vagin, pour y trouver enfin le diable !

55 Quant à Elise-Hélène-Elise, elle aura tout gagné. En perdant leur regard, elle a trouvé son nom : elle. Son nom de femme, étrangère à soi-même, son nom d’aile pour voler au-delà des langues, et trans-verser la mère.

Notes

• [*]
J’ai été amenée à travailler sur Hélène Smith à l’initiative de Lise Maurer, et avec elle, dans le cadre d’un séminaire intitulé « De la Trinité en déroute au sinthome ». Ce texte a fait l’objet d’un exposé aux journées du GREC en décembre 2005. À partir de l’article d’André Breton « Le message automatique », le travail sur Hélène Smith questionne le rapport du langage au transfert.

• [1]
Des Indes à la planète Mars, p. 137-138.

• [2]
Ibid., p. 238.

• [3]
Ibid., p. 263.

Mis en ligne sur Cairn.info le 01/04/2007
https://doi.org/10.3917/ess.018.0133


Des Indes à la Planète Mars. Etude sur un cas de somnambulisme avec glossolalie From India to the planet Mars: A study of a case of somnambulism with glossolalia.

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Jastrow, Joseph

Citation

Jastrow, J. (1900). Des Indes à la Planète Mars. Etude sur un cas de somnambulisme avec glossolalie [From India to the planet Mars: A study of a case of somnambulism with glossolalia] [Review of the book From india to the planet mars: a study of a case of somnambulism with glossolalia, by T. Flournoy]. Psychological Review, 7(4), 406–411. https://doi.org/10.1037/h0069534

Abstract

Reviews the book, Des Indes à la Planète Mars. Etude sur un cas de somnambulisme avec glossolalie [From India to the planet Mars: A study of a case of somnambulism with glossolalia]. by Th. Flournoy (see record 2005-10886-000). Flournoy presents a remarkable case of mental automatism or subconscious personality, which fully realizes the expectations aroused by the suggestive title, 'From India to the Planet Mars'; and yet, one must hasten to say, the value of the book lies in the success with which the various phases of these 'mediumistic' phenomena have been described and traced to natural and tangible starting points. Flournoy has accomplished a valuable task and has presented his material with unusual skill. The dangers of a false interpretation of this 'psychic' tale are many, and are certain to mislead many whose interest in and powers of comprehension of cases of this kind are not equally developed.

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