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Mauro Biglino à l'épreuve de deux lexiques. Un exemple

par panthère58, jeudi 13 avril 2017, 00:35 (il y a 2542 jours) @ Serge C

Depuis un bon bout de temps, j'avais décidé que je n'interviendrais plus dans les discussions sur le forum. Mais je me dis que cette fois-ci, il fallait que je te montre quelque chose. Avec l'énergie que tu mets dans tes recherches (une chose que j'admire, au risque de te surprendre, même si ça me fait un pincement au coeur que tu ne t'intéresses pas aux sources directes et aux langues - mais ça, tu as tout à fait le droit, je ne te blâme pas du tout), je me dis malgré tout que tu devrais avoir à ta disposition des outils qui te permettraient de discerner et de faire la part des choses. Je suis conscient que les approches méthodologiques, ça peut être subjectif, mais les données brutes, non filtrées, elles sont les mêmes pour tous et toutes.

:-) C’est plus un partage que je fais discrètement dans un dossier, le temps que le lien du billet disparaisse du « top ten » à droite du forum. Et ce n’est pas un partage qui fait consensus puisqu’à prime à bord, c’est rare qu’il y ait plus d’une cinquantaine de visites. Si avec le temps, le nombre de visites augmente, c’est dû je crois à des gens qui font des recherchent sur le net et qui tombent sur ce lien. Donc, tu n’interviens pas dans une discussion comme tel. Tu donne ton point de vue. Et c’est OK. Et ça te donne aussi une certaine visibilité avec le temps. À toi de t’en servir à bon escient dans tes rétroactions. Parce que ça devient en quelque sorte comme ta « carte de visite » que tu laisses aux gens qui ne te connaisses pas.

Tu reproduis des extraits de Mauro Biglino au sujet de la racine sémitique kbd [kavod].
N.B. : Dans de nombreuses langues, le “b” et le “v” sont notés par une même consonne, tout comme le “d” et le “t”, par exemple ou le “l” et le “r” - mais passons sur ces détails linguistiques qui peuvent paraître compliqués.

Selon Biglino donc, la signification de kbd se résumerait à une idée de poids et ne proviendrait «pas d’une idée de « grandeur ou importance » mais de quelque chose qui « pèse » sur le jour.». Il s'appuierait notamment sur un “chercheur” (as-tu vérifié qui il était? De mon point de vu, ça semble être un autre de ces nombreux autoproclammés... Je ne peux croire que Mauro Biglino - avec la carte de visite qu'on lui attribue chez les conspirationistes - ne puisse s'appuyer sur une autorité un brin plus sérieuse...) du nom d'Alessandro Demontis, notamment en référence avec le suméro-akkadien.

Tu conclues (et c'est très bien que ce soit ainsi) avec une remarque à l'effet que lire cet auteur, tu as «l’étrange sensation qu’on fait honneur à [t]on intelligence».

Tu peux certainement ne pas adhérer à mon approche méthodologique que tu qualifies de naïve (qui s'inspire pourtant des données méthodologiques antiques - une chose qui est parfaitement documentable) et tu as le droit de ne pas aimer les conclusions que je tire des textes anciens, c'est ton droit, ton privilège. Mais je peux te dire une chose : Jamais je n'oserais te mener en bateau comme le fait Mauro Biglino, et surtout jamais je n'oserais mentir comme il le fait à ses lecteurs! On le dit avec raison, a beau mentir qui vient de loin et qui sait très bien que la majorité de son public cible n'apprendra jamais à lire les langues orientales anciennes! Je dis qu'il ment, mais peut-être est-il tout simplement en dehors de son champs de compétence?

Mauro Biglino a fait l’objet de billets sur le forum. Il a piqué ma curiosité. Je ne fais que partager mes impressions et de résumer le mieux possible son contenu pour que les gens s’y intéressent ou pas, se fassent leur propre idée ou en aient un certain aperçu. N’oublions pas, qu’on est sur un forum dont les assises reposent sur le phénomène ovni, pan, et extra/intra/ultraterrestre. Et Biglino, dans ce livre, présente une hypothèse que la Bible parlerait non pas de la « gloire » de Dieu au sens figuré, bien qu’il est logique et cohérent qu’il est une sorte d’ascendance sur les humains que l’on puisse décrire effectivement de la sorte, mais comme la description d’un ovni. D'ailleurs, j'aimerais bien avoir le point de vue de Yann Vadnais sur la question.

Maintenant, Demontis n’est qu’une de ses références. Maintenant, pour moi il ne s’agit pas de savoir s’il est une « autorité » mais si le contenu de cette référence tient la route. Ce que j’ai mis plus bas. De même pour l’Association assyrophile de France et de la façon dont tu la qualifies.

Le monde des interprétations est tellement relatif ; ça veut tout dire et ne rien dire en même temps. C’est quoi faire l’expérience du divin, ou être inspiré du divin ? Qui a écrit les textes bibliques ? Quelles étaient leurs motivations ? À quelles sources se sont-ils abreuvés ? Quels étaient leurs intérêts ? La perception de Yahvé est-elle objective ou subjective ? Est-ce que ces écrits sont des témoignages qui sont rapportés fidèlement, avec les bons mots, ou bien qu’ils sont sujets à interprétations, ce qui impliquent des polémiques ? J’ai lu tes quatre liens sur les hérétiques (gnose/Sophie, Marcion, Arius et Nestorius). On est au commencement de la chrétienté et on ne s’entend pas, loin s’en faut. Ça parle toutes ces discordes. De plus, je ne pense pas que ces auteurs soient contemporains à ce qu’ils ont écrit dans la Bible hébraïque.

Dans ce cas-ci, l’auteur ne nie pas la définition théologique, doctrinale et/ou traditionnelle convenue ; il nous amène sur une autre piste. Et il parle d’hypothèse. La piste que ces écrits seraient beaucoup plus qu’il n’y paraît. Qu’ils recèlent des informations sur nos origines et sur des entités qui auraient côtoyé les humains dans la période de l’Antiquité mais qui, pour moi, seraient bien antérieures à cette période. Et ça, ça me stimule intellectuellement. Alors que les interprétations qui se limitent à des métaphores, des allégories, des messages spirituels, surtout sur des textes à caractères religieux, ça touche aux croyances religieuses qui sont d’un autre domaine. Je n’ai pas dit que ton travail, ou celui de tes pairs, était « naïf ». J’ai dit que ça nous interpelle à un autre niveau. Alors, oui, il aborde les différentes significations, mais il les met à l’épreuve du contexte des écrits bibliques. C’est la partie intéressante de sa démonstration. Et comme je crois personnellement qu’effectivement ces textes ont plus une valeur historique que religieuse, son point de vue m’intéresse grandement.

Au risque de te surprendre, j'ai du respect pour toi et surtout pour ton intelligence. J'ai quand même de sérieuses réserves quant aux sentiments réels qui animent tes auteurs favoris... ;-) Mais ça, c'est une toute autre affaire qui te regarde. Je ne prendrai pas chacun des points que tu soulèves, ce serait long et probablement peu utile - j'en aurais beaucoup quand même à expliquer sur les racines sumériennes, les racines sémitiques, la Septante, l'archéologie, le sens de “Elohim” (avec ou sans article, sa syntaxe), etc... Limitons-nous à un exemple simple et précis.

Au sujet donc de kbd, voici deux d'ouvrages de références extrêmement sérieux qu'on ne peut soupçonner d'avoir été manipulés par le Vatican!

Et je précise une chose (en caractère gras - et je le précise pour éviter que tu interprètes ce message comme un “défi” ou une rebufade, ou une moquerie envers toi. : Je mets ces données objectives afin de faire avancer la discussion et la réflexion. Si toi tu n'en profites pas, quelqu'un d'autre aura peut-être le goût de se lancer dans une recherche à même les sources et ne plus dépendre des vedettes conspirationistes.

Premier extrait tiré du Dictionary of the Ugaritic language in the alphabetic tradition, publié sous la direction de Gregorio del Olmo Lete et Joaquín Sanmartín (de l'Université de Barcelone), édité chez Brill (ça se trouve sur internet, mais ça prend un peu de directives afin de s'y retrouver, à cause de la nature des langues sémitiques qui ne notent pas les consonnes).

[image]

Second extrait qui vient du Pennsylvania Sumerian Dictionary en ligne. On note la référence en bas de l'image :

Akk. (pour akkadien) et le sens du mot : heavy (lourd) et important. On note aussi le champs sémantique du mot sumérien qui est double : «être lourd» d'une part et «être important» en second lieu.

[image]


Ma seule remarque se limite à ceci : Les deux ouvrages de référence disent exactement l'inverse de ce que Biglino affirme! S'il y a une idée de poids exprimée par cette racine sémitique et son équivalent sumérien, l'idée d'importance est définitivement une composante essentielle du champs sémantique autant du mot sumérien que de la racine sémitique attestée en akkadien qui s'est maintenue en ougaritique (voir la première image).
C'est gênant pour l'expert qu'est Mauro Biglino. Les grands perdants dans cette affaire, c'est le public honnête qui cherche et qui veut trouver un sens.


N.B. J'ai ma petite idée où Biglino a pris ses infos. Il a sans doute pris ça ici. Or, ce site web bien connu des étudiants débutants ne nous donne pas un dictionnaire scientifique, mais il s'agit plutôt d'un truc de type «projet en cours» (les anglos disent work in progress) sous la responsabilité de l'Association Assyrophile de France, où chacun peut ajouter et modifier à son gré s'il est membre. Si on clique par exemple sur le bouton «show history», on voit les noms de ceux qui ont touché à l'entrée sur ce mot et la note en rouge : This article has not been validated. Ce petit lexique en ligne est pour un usage privé, genre pour les étudiants qui traduisent des exercices ou pour des chercheurs amateur amoureux des civilisations orientales qui cherchent à s'initier (le nom le dit : assyrophile). Or, les données de ce site web doivent toujours être validées sur un outils de travail plus documenté.

Ses références :

Le [kavod] suméro-akkadien : Synthèse de recherches d’Alessandro Demontis qui se réfère à la définition de [kabod, kebod] identifiée sous 3518a/3519 dans le dictionnaire hébreu Strong

En page 24 : Le concept veut donc que si une personne ou une chose est honorable, elle a du poids sur les autres et est donc « lourde ». Mais est-ce vraiment le cas ? On pourrait au contraire regarder dans une direction totalement différente : parce que les événements bibliques se sont déroulés de nombreux siècles avant la codification de la langue hébraïque, ces termes hébreux utilisés dans la Torah sont des transpositions de termes plus anciens. Dans les lexiques de langues akkadiennes, on trouve des références au terme « KABATU ». Le dictionnaire akkadien officiel de l’Association assyrophile de France donne ces éléments :

. akkadien : (variante KABADU)
. proto-sémitique : KABAD
. hébreu : KABAD

Représenté d’ailleurs avec les mêmes caractères hébreux, que je reporte ici à titre de comparaison :

Une partie de l’info du lien « ici » soit :
http://www.assyrianlanguages.org/akkadian/dosearch.php?searchkey=859&language=id apparaît effectivement mais c’est incomplet. Maintenant, il indique la référence au dictionnaire officiel de l’Association assyrophile de France. Y a-t-il une différence d’avec la description que tu en fais ? Et surtout, nonobstant le fait que ça serait des étudiants ou un « work in progress », quelle en est la valeur ? Parce que c’est toujours ça qui importe. Je poursuis l’extrait :

En page 25 : Mais que signifie KABATU en akkadien ? La liste des sens est étonnamment identique à celle du [kabod]/[kabad] hébreu :

KABATU : devenir lourd ; devenir difficile, pénible, douloureux ; devenir important, honoré, prépondérant, compenser, être plus lourd – alourdir ; honorer, montrer du respect ; aggraver, exagérer ; éteindre (un feu) – être honoré – honorer, flatter – donner de l’importance à qqch. ; rendre massif (une sculpture).

Ce qui frappe le plus est que la référence au poids est largement utilisée dans la définition de ce terme, ce qui indiquerait que c’est l’utilisation au sens de « glorieux, honorable » qui devient une extension de « devenir lourd », et non le contraire, comme semble en revanche l’indiquer la langue hébraïque.

Il est extrêmement important de le comprendre, car c’est une énième preuve d’un autre concept essentiel pour l’analyse des textes du passé : à mesure qu’on avance dans le temps et les dérivations d’une langue à l’autre, les significations perdent leur aspect matériel pour s’étendre et se généraliser. Donc, plus le temps passe, plus l’on trouve de significations « élargies » à un terme, nées d’applications et interprétations de sa signification d’origine plus spécifique. Si tel est le cas, il doit exister un terme qui a précédé l’akkadien, qui servait de source, et dont le sens doit se montrer encore moins figuré.

Eh bien, les dictionnaires akkadiens rapportent que « KABATU » était l’akkadien pour le mot sumérien « DUGUD ». Voici l’écriture cunéiforme d’origine de ce mot :

Le signe cunéiforme est identique au lien « ici » :
http://www.assyrianlanguages.org/akkadian/dosearch.php?searchkey=859&language=id

DUGUD :

1. Sumerian Lexicon de John Halloran (édition 2003)
2. Sumerian Glosseary, Daniel Foxvog (édition 2009)
3. Sumérologue John D Prince

En page 27 : Si l’on remonte au terme originel sumérien, d’où provient l’akkadien et dont découle à son tour l’hébreu, nous voilà confrontés à trois définitions du terme qui mettent en avant une notion de poids, non de gloire et, dans l’unique cas où cette idée de poids est vue par elle-même comme une extension (dans le cas de Prince), cette extension ne provient pas d’une idée de « grandeur ou importance » mais de quelque chose qui « pèse » sur le jour.

D’une façon théorique, on peut parler de la grandeur et de l’ascendant d’un Yahvé, par exemple, sur la base de la sémantique. Mais qu’en est-il en pratique ? Ceux qui le décrivent, ils le font à partir de ce qu’ils sont intrinsèquement, et de ce que Yahvé représente pour eux. Alors c’est relatif. Je ne pense pas que les Cananéens perçoivent de la même façon cette grandeur, cette « gloire » qui est subjective. Puisque que Yahvé octroie le droit aux Israélites de les massacrer dans ce que la Bible hébraïque dénomme la Conquête de Canaan. Alors la grandeur, l’importance, la gloire de l’un, n’est pas nécessairement celle de l’autre. Tout dépend du point de vue et de qui laisse des écrits. Il y a des Québécois qui ont en haute estime P.E. Trudeau, et d’autres qui n’ont pas eu une bonne expérience avec lui, qui l’ont en aversion totale. Il en est de même pour Yahvé. Mais après la lecture de « La Bible dévoilée » : est-ce vraiment Yahvé qui parle dans la Bible hébraïque ou les deutéronomistes qui lui mettent des mots dans la bouche ?

Biglino ne nie pas cette interprétation de la signification convenue de la « gloire » de Yahvé dans un sens spirituel par la théologie. Il part d’une hypothèse qui voit autre chose de plus pragmatique, de plus concret. J’avais cette pensée avant de lire les Parks, Biglino, Finkelstein & Silberman, Sabbah et autres. Une chose est certaine : on a des origines et, pour moi, c’est de cela que les diverses cultures nous témoignent à travers divers écrits, ou diverses écritures, diverses traditions, divers mythes, diverses légendes.

Ma plus grande réserve vient de "La Bible dévoilée" : je pense que les écrits bibliques ne sont pas du tout contemporains aux événements décrits des extraits choisis par Biglino ; que ces événements se seraient bel et bien passés mais issus d'une tradition orale multi-millénaires. Mais jusqu'à présent, dans ma lecture de son livre, il n'a pas encore émis de réserves sur leur authenticité et leur véracité, se contentant d'une analyse du texte pour sa démonstration.

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L'ALERTE LAMBERT à Panthère
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